Journées d'Etudes
Finition : terminer avec soin l'ouvrage textile
25-26 novembre 2022
Musée de Bourgoin-Jallieu
« La finition, terme dérivé du verbe finir et du latin, finitio-onis, f. (la limite, le bornage), peut être définie comme la « manière de terminer avec soin un ouvrage, de lui donner un aspect fini ». Dans la pratique, le mot recouvre une diversité d'applications ainsi qu'une variété de techniques, de points et de gestes (les finitions) destinés à achever l'œuvre. Si elles sont bien présentes dans le discours diffusé par la presse de mode depuis le début du XXème siècle et par l'industrie de la haute couture, en particulier à travers la mise en scène des petites mains, à ce jour et à quelques exceptions près, ces opérations ont rarement suscité l'intérêt des chercheuses et des chercheurs. Ce silence peut en partie s'expliquer par une difficulté d'ordre documentaire, mais plus encore par le peu d'attention que l'on porte habituellement au détail, fût-il signifiant. Pour leur édition 2022, les journées d'étude de l'AFET proposent de s'atteler à cette question. Sera ainsi examiné l'ensemble des étapes de la finition qui confèrent à un vêtement, un accessoire, un ornement liturgique ou à une pièce d'ameublement son aspect « fini » : ourlets, boutonnière, pose de « propretés » et enjolivement (application de biais, galons, franges et de tout autre article de passementerie). Les techniques décoratives et d'ennoblissement, par exemple la broderie, ne seront quant à elles envisagées que sous l'angle de la finition stricto sensu, telle qu'elle vient d'être définie. »
Comme pour les thèmes précédents des journées d’étude de l’AFET, ces lignes introduisaient l’appel à communications des journées 2022, pour décrypter tous les aspects des plus techniques, insolites, atypiques, cachés ou non, régulièrement passionnants par des spécialistes des textiles. En ouvrant ces deux journées avec Brigitte Riboreau, conservatrice du lieu, Françoise Cousin précisait que « finition n’est pas qu’embellissement et que le terme, même, est très large et surprenant ».
En quatre sessions, ce furent des communications précisant des notions de finition par quelques études de cas montrant les multiples intelligences, quasi universelles, de réponses à des problématiques précises sans restriction particulière d'ordre chronologique et/ou géographique et l’on parle de «divergence géographique mais convergence technique», d’ «astuces et terminologie», et encore «de finition en expansion». À partir de pièces choisies du patrimoine textile, de la mode, d’hier et d’aujourd’hui, l’évolution des pratiques et des questionnements ont été évoqués.
Parler de textile est souvent comme une madeleine de Proust et le vocabulaire de ces journées entraîne dans un voyage dans le temps et l’espace, petite liste à la Prévert, des mots égrainés au fil des communications : chantage, passepoil, picot, surjet machine, œillets, boutonnières, brides, entoilage, doublure, baleine, parementure, pièçage ou chanteau, codification très arrêtée par décrets pour les uniformes diplomatiques, le coupé-cousu, jupons coupés à vif et crantés, effilochage, dentelle ou art du bord, fuseau au fil continu, entredeux, engrêlure, gros réseau et fil de contour, mignonnettes, finissage, apprêtage, lustrage, amidonnage, calandrage à froid, satinage, pinceautage, enluminage, finitions mécaniques : grattage, brûlage, séchoir, machine à glacer ou à donner des gaufrages, finitions ornementales : applications, finitions techniques, finitions utilitaires : aiguillettes, jarretières, fermetures, ceintures, galon en chaîne cordée, tissée aux cartons, plat, tubulaire, ganse en sergé, soie nanquin, lien maille/tissage/art contemporain, limite entre finition et ennoblissement, lit à la duchesse en toile imprimée, marqueurs d’identité, ornement, praticité , solidité, parer le cuir, le cachemire, couper franc, point de fouet, utilisation des lisières, point plat, point sellier, point à cheval, brédissage, questions sur les cycles de vie des textiles, la vie des habits, recyclage des fibres textiles, récupération, rubanerie, passementerie tissée avec lisse rigide, ruban bourdaloue, ruban biais, ruban monte-jupe, galon pour bordure de chasubles, galon pour tirants de bottes et bottines, surpiqure, smocks, textiles à quatre lisières, métiers traditionnels pré-hispaniques, tissage, tissage au doigt, nœuds, tressage, transversalité des techniques issues d’autres champs de matières, tresses de ruban, de lacet, de sangles, bisettes, nœud de Savoie, typologie des passementeries ; effilés, franges, galons, crêtes et apprêts, câbles, glands, glands à moules avec gorge et jupe, passementerie attaches de lustre, façon de tige de lustre et glands, tulipes , houppes ….
Les textiles étant des biens précieux, certains assemblages deviennent des coutures esthétiques sur l’extérieur et des finitions plus soignées et régulières, en lien étroit avec les histoires, l’Histoire et l’économie. La Haute Couture et les créateurs des XX & XXI ème siècles font glisser le statut des finitions à celui d’une écriture, d’une signature. Qu’elles soient raffinées, poussées et même absentes, les finitions gardent un rôle visuel et symbolique. L’esprit, la main, les techniques comme la réponse à une question dans une dynamique à l’écoute du geste, de la matière, des contraintes, de ses usages et des techniques rudimentaires et/ou sophistiquées, restent les acteurs et actrices d’une transmission par le dire et le faire.
L’observation de l’évolution des finitions raconte, avec les détails techniques, les subtilités des savoir-faire particuliers et les inscrivent précisément dans l’usage, l’identité, l’histoire, l’économie, les circulations des objets par les colporteurs et le commerce. Ainsi, beaucoup d’éléments du costume breton viennent d’ailleurs, revus et en évolution, les points de broderie sont des points de couture, la broderie est partenaire de la liberté des femmes dans le costume, la finition devient le décor brodé et si les réparations pouvaient être très sommaires, ce qui se voyait était plus raffiné. Il en est là comme ailleurs au Pérou, au Moyen-Orient, au Maroc… On croit inventer une solution qui existe déjà dans d’autres lieux sous d’autres cieux et on s’émerveille de la créativité de l’envers et de l’endroit. Mais qu’en est-il du sens de l’absence de finition, d’un objet non fini, de l’utilisation de vêtements populaires, de vêtements superposés, des signes de l’absence de finitions à certains endroits : l’ingéniosité des déshérités, l’appartenance à un groupe et à une classe d’âge, les croyances pour la fertilité des femmes, ou bien une certaine liberté et une humilité dans le faire… Les questions sémiologiques sont aussi des points ethnographiques autour de ces finitions et autres renforcements : techniques, économiques, symboliques, métaphysiques, subversives, esthétiques et d’une certaine désinvolture sur des endroits « ouverts » par les mauvais esprits.
Protection, liberté ? Révéler la richesse du sujet et l’intérêt de croiser les regards sur ces finitions fut rendu possible par la qualité des intervenants que nous remercions. La publication des actes de ces journées est prévue pour la fin 2023. Nos remerciements vont à la Ville, au Musée de Bourgoin-Jallieu et à Brigitte Riboreau, sa conservatrice et notre partenaire, un grand merci aussi à tous ceux qui ont rendu possible ces journées passionnantes.
Sylvie Ollivier
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